Space Art #009


Au fin fond de la jungle perdue de Draxacar, un explorateur souriait.

-Le voilà donc, ce fameux « Torii Maglev Brutaliste »…
COMP : « Définitivement pas à sa place, ce truc. Et ce n’est pas franchement non plus ce qu’on pourrait appeler un exploit technique ! »
-Ca me fait penser aux vieux systèmes anti-sismiques, tu sais ?
COMP : « C’est exactement ça ! Sauf que là ça ne sert à rien, c’est… un truc, un machin, un monument dressé à… l’épinglage magnétique ? La mécanique quantique ? »
-Un arc de triomphe pour Général alien, peut-être ?
COMP : « Aucune inscription répertoriée. Pas de sculpture similaire à moins de quatre mille années-lumières. Non, c’est une structure industrielle. »
-Construite par une civilisation extra-terrestre il y a… ?
COMP : « 300 000 ans. »
-Ils ont des aimants qui tiennent aussi longtemps ? Ces mystérieux constructeurs ont peut-être un ou deux trucs à nous apprendre ?!
COMP : « Bof. Quelques molécules astucieuses, un supraconducteur à température ambiante qui n’est même pas au niveau de l’alliage le moins cher du marché… Non. Décidément, c’est juste une relique sans intérêt. »
-Moi je lui trouve un charme certain… Et puis avec cette éclipse partielle et les ruines de la piscine sacrée Xoolienne, c’est vraiment spectaculaire. Penser que ces gens ont vécu à côté d’une telle merveille technologique pendant des siècles puis sont disparus sans jamais en avoir compris le fonctionnement… Ca remet les choses à leur place dans le grand Ordre Cosmique, tu ne trouves pas ?
COMP : « Bof, moi tu sais, ce genre de considérations philosophiques… »
-J’aurais dû m’en douter.
COMP : « Veux tu enregistrer le souvenir ? »
-Non, pour le moment je veux surtout apprécier la chose en silence, s’il-te-plait !
COMP : « Rohlala, compris, je… Un instant. Un instant. Je viens de détecter la présence d’une gynoïde dans les arbres, moins de dix mètres derrière nous… »
-Je sais. Je l’ai sentie depuis au moins deux minutes déjà. (rire) Cette idiote se cache dans le feuillage, elle se croit invisible…
COMP : « Pas de pulsation cardiaque. C’est un robot. Et avancé. »
-Tiens, tiens…
COMP : « Alors ça ? Tu as vu son bâton ? Elle se sert d’un éclat de matrice de calcul comme d’un fer lance !? Quelle attardée ! »
-Pour sa défense, c’est un matériau particulièrement tranchant si tu le façonnes selon le plan de clivage.
COMP : « Et tu as vu toutes ces bulles qui pétillent autour ! Je suis sûr qu’elle croit que c’est un pouvoir magique ou une connerie du genre ! »
-Des holo-fenêtres d’interface, non ?
COMP : « C’est évident. Et elles affichent toutes le même message d’erreur. Cet éclat est en coma informatique ! Ce qui ne me surprend qu’à moitié étant donné ce qu’elle a dû lui faire subir ! »
-Elle est… Elle est jolie, la tigresse !
COMP : « Je ne peux pas vraiment juger. Si tu le dis. »
-Non, vraiment. Regarde comme ses traits sont fins, observe sa pose, l’élégance. Ses mouvements sont gracieux. C’est probablement une danseuse épatante.
COMP : « Ou une dangereuse combattante ! »
-Toujours ton optimisme…
COMP : « Par contre son oeil droit est crevé. … Méchante balafre. »
-Moui. Et ça lui donne un côté baroudeuse qui n’est pas pour me déplaire. Qui sait quel danger elle a affronté avant de nous rencontrer…
COMP : « Alors qu’est-ce qu’on fait ? Comme d’habitude ? Ou alors carrément, on la tue ? On doit pouvoir revendre ses entrailles pour un bon paquet de fric ! Et je parle même pas de la matière nucléaire dans sa pile ! Je détecte de bons neutrons rapides d’ici ! Du fuel nucléaire, qualité IV. Des crédits à foison ! Miam ! »
-Mmmmmmm…
COMP : « Ne me dis pas que tu hésites… »
-Non, du tout, du tout. J’ai pris ma décision depuis un moment déjà, c’est juste que je ne sais pas comment le dire sans que tu te fâches.
COMP : « Raaaah non, par la Galaxie, mais regarde les choses en face. Elle se dissimulait dans les arbres. Elle brandit un bâton pour te tuer. »
-Et alors ? Toi aussi tu as déjà essayé de me tuer.
COMP : « Ça n’a rien à voir. J’avais des raisons valables. »
-Et pas elle ? Peut-être qu’elle protège les ruines de ce temple ? Que sais-tu de son histoire, toi qui vient à peine d’arriver sur cette planète isolée ?
COMP : « Hé bien je… »
-Je vais me retourner et aller lui parler. Et soigner son oeil, si elle veut bien.
COMP : « Soupir… Enfin. Ne lui révèle rien qui puisse t’identifier. »
-Ne t’inquiète pas. Je ne crois pas que nous ayons affaire à une espionne. Enfin, regarde-la. Elle sourit jusqu’aux deux oreilles. C’est désarmant ! Hum… De plus en plus curieux : elle semble parfaitement humaine au niveau morphologique.
COMP : « Si on oublie les oreilles de lapin… »
-Ce sont des oreilles elfiques, espèce d’ignorant. Très en vogue à une époque. Un plus, selon mes critères.
COMP : « …et les canines ! »
-Tu critiques, mais ça va très bien avec son sourire félin et sa blonde crinière !
COMP : « J’espère que tu es vacciné contre la rage… »
-Pourquoi me mordrait-elle ? Je n’ai fait aucun geste menaçant.
COMP : « Pas tout de suite… En son temps… Quand elle te connaîtra mieux. »
-Hahaha, quand elle me connaîtra mieux, ce sera les griffures dans le dos dont il faudra se méfier. Bon maintenant boucle-la, je veux discuter avec elle. Entendre sa voix.
COMP : « Si ça se trouve, son actuateur vocal est détruit, ou endommagé. Elle va parler comme un vieux fumeur de cigares ! »
-Tu m’agaces…


Quand elle ouvrit la bouche, la belle gynoïde émit une succession de syllabes incompréhensibles.


COMP : « Heu… Je ne reconnais rien. »
-Pas étonnant. Elle parle français ! Ma langue natale.
COMP : « QUOI ? Mais comment est-ce possible ? La Terre est à des centaines d’années-lum… »
-Tais-toi et laisse moi savourer, ça fait deux mille ans que je n’ai pas entendu cette langue. Cela me manquait.
COMP : « Elle dit quoi ? »
-Qu’elle veut faire partie de l’équipage.
COMP : « Haha, le culot de cette machine ! »
-J’ai accepté.
COMP : « QUOI ? »
-Tu m’as bien entendu. Une gynoïde qui parle français, ça vaut tout l’or de l’Univers, et plus encore.
COMP : « Pour toi oui, mais pour personne d’autre ! On la connaît même pas, cette folle !? Tu débloques, mon vieux ! »
-Elle dit qu’elle veut voir la galaxie.
COMP : « Hé ben mais elle se démerde ! Pas le temps ni la place pour une profiteuse ! »
-Et mon avis, tu t’en balances, c’est ça ?
COMP : « Ce n’est pas une décision rationnelle. Tu n’es pas raisonnable. »
-Elle a aussi dit de débrancher le COMP.
COMP : « QUOI ?! Tu ne vas quand même pas l’écouter !? Et comment sait-elle, d’abord ? »
-Elle dit que tu me pourris le cerveau. Que tu penses à ma place !
COMP : « Surtout ne l’écoute pas ! Elle essaie de t’influencer. Il se peut qu… »


L’explorateur déconnecta le COMP. La gynoïde prononça une nouvelle phrase en français, ponctuée d’un rire délicieux.
La cascade grondait au loin, juste sous le Torii Maglev Brutaliste, et en cet instant l’éclipse atteignit son plein. Dans la pénombre étrange et moite, un hurlement monta au-dessus des arbres. Cri de détresse ou oiseau exotique, personne n’aurait pu le dire.

Au fin fond de la jungle perdue de Draxacar, une gynoïde souriait.


Aujourd’hui, une illustration 2D que j’ai réalisé cet été (Aout-Septembre), juste histoire de voir ce dont j’étais capable. Tout a été fait sous Gimp à la souris en utilisant les pinceaux de base, les seuls « aides » sont une grille de perspective ultra-élémentaire et un simple scanner d’imprimante pour le croquis 2D de la gynoïde (que j’ai réalisé au crayon avant de colorier/ombrer sur pc). Je suis assez satisfait de la composition générale, étant donné que je partais d’un simple concept de chute d’eau. L’image raconte une histoire, différente pour chacun, et je me suis servi de cette force pour créer le texte ci-dessus.

Techniquement, on retrouve mon approche « naïve » typique du gars qui découvre autant en expérimentant lui-même qu’en lisant les tutos en ligne (merci d’ailleurs aux artistes). J’ai conscience de ne pas avoir travaillé suffisamment l’ombrage sur la peau de la gynoïde, par exemple. Elle méritait mieux de ma part. Bon. Ce sera pour une prochaine fois.

J’ai beaucoup rigolé, à mesure que j’enrichissais le dessin, en l’analysant à la manière d’un psychologue de comptoir, et j’ai même souvent ajouté de faux indices à droite à gauche (ou joué sur la disposition des éléments) pour accroître encore le potentiel évocateur de l’ensemble. Il faut, dans la vie, une saine dose d’auto-dérision et je n’en manque pas. 🙂 Mais la vérité est plus simple : mes sources d’inspiration furent essentiellement les ruines incas et celles de leurs prédécesseurs qui sont juxtaposées en plusieurs sites dans les Andes, et offrent ainsi un spectacle pour le moins curieux. L’idée de départ, une chute d’eau, est venue de Tolkien, avec les fameuses « Chutes du Sirion » (il faudra recommencer, ça n’y ressemble pas du tout !). Et pour le reste, c’est de l’art spatial de base : planètes, vaisseaux, ciels en gradient, etc. Vous commencez à avoir l’habitude avec moi. J’espère que vous n’êtes pas lassés, j’en ai encore plein à venir…
Ah oui, j’ai évidemment réalisé plusieurs ambiances sonores pour me soutenir durant cette création, l’une reprenant juste quelques secondes de l’ouverture de Dune (avec la cythare ou le synthé qui gronde) étendues sur plusieurs minutes via Audacity (ambiance « jungle indienne » garantie), l’autre avec des musiques libres de droit plus ou moins sinistres. Le bruit de fond de base était une jungle vénézuélienne remplie d’oiseaux siffleurs. Comme je compte bien animer ce dessin, vous entendrez probablement ces plages audio dans le futur.
Affaire à suivre, donc… 🙂

Édité (le 13/11/2019) :

Musiques illustratives : https://www.purple-planet.com

Titres : « Reiki Healing » et « Corridor »