Prévioussement, dans MSM :
L’animateur et Rangiroa prennent quelques jours de repos bien mérités sur un motu isolé, quelque part au nord-est de Tahiti. Il s’agit de permettre à Rangi de « trouver ses marques », étant donné qu’elle n’a jamais vraiment marché physiquement à la surface d’un monde à forte gravité, et aussi de lui procurer un environnement plus stimulant que les couloirs d’une colonie lunaire. L’animateur ne s’en est pas vanté, mais lui aussi, il doit retrouver ses jambes terrestres, car la pesanteur lunaire ne lui fait aucun bien ! Finalement, nos radio-pirates préférés ayant retrouvé un certain tonus, ils descendent vers Papeete, visitant au passage le campus le plus prodigieux de tout l’univers : le Tahitech et ses îles artificielles.
—Chers auditeurs, nous voici donc à Papeete en situation réelle, et comme je le craignais, Rangi a la tête qui tourne.
Rangi : (riant) Roooh, il faut toujours que tu exagères. Mon processeur central est extrêmement stable.
—… … Mais… Tu n’as même pas de processeur central ! Ton système est une bulle FPGA de dernière génération, pas une CPU classique. Et j’ajoute que ce genre de truc coute la peau du cul. « Des millions d’euros », en français !
Rangi : Désolée, j’écoutais pas. Tu dis que je suis une poule de luxe, c’est ça ?
—Nan, plutôt l’heureuse propriétaire d’un matériel volé hors-de-prix. Et je ne parle même pas de ton corps cybernétique : celui-là, boudiou, même au marché noir, j’ai eu du mal à récupérer les spécifs. Maudit Consortium !
Rangi : (rigole de bon coeur) Mais nous sommes des pirates de l’espace, mon cher. Nous devons mener grand train ! Ceinturons à escarboucles. Pistolets incrustés d’or, d’orichalque et de platine. Sabres à antimatière, Mille Tonnerres ! … Des cerveaux programmables à plusieurs millions, pffffff ! Ça va pas nous faire reculer, ce genre de broutilles.
—Oui, heu, tu sais, entre ça et la « récupération » du Witch, ma tête doit probablement être mise à prix sur plusieurs planètes dans le Système Solaire.
Rangi : Tu as toujours rêvé de prononcer ces mots, hein, avoue !
—Tu me connais si bien. 😀
Rangi : (percute soudain) Aaaah, mais c’est pour ça, en fait, que tu t’es laissé pousser la moustache. Les caméras du Tahitech, tout ça.
—(déçu) Mais… Non, pourquoi ? … Je croyais simplement que tu aimais !
Rangi : (rire contenu) Heu… non.
—(déception sensible) Ah.
Rangi : (taquine) Pourquoi, ça a de l’importance ?
—(oui oui) Non non.
Rangi : (change de sujet) Tiens t’as vu, ils ont toujours le laser rouge sur la Tour d’Exale. Ça au moins, ça n’a pas changé.
—Oui, héhé, heu, Rangi, ma petite souris thermo-optique à calibrage métachrone, tu te souviens de ce que je disais l’autre jour à propos de la discrétion, la menace du Consortium, tout ça ?
Rangi : Tu dramatises. Tout ce que nos auditeurs savent, c’est que nous sommes déjà venus ici avant. Pas le nombre de fois, ni les circonstances. Comment veux-tu que cela ait la moindre signification ?!
—(riant) Ma chère, tu serais surprise de la finesse des sbires du Consortium. Il y a des gens qui ont disparu pour moins que ça…
Rangi : … pour finir sous le bistouri du Professeur Zen, si on en croit les rumeurs.
—Tu ne soupçonnes pas le dixième de ses méfaits. Ou ceux du Consortium Lunaire.
Rangi : Ah ! Révélations fracassantes du fameux « prisonnier libéré » ?
—Par exemple, oui. Il m’a confirmé des choses que j’avais déjà inférées de mon côté. Et suggéré d’autres. Que j’ai depuis vérifiées.
Rangi : Curieuse je suis.
—(aspirant l’air entre ses dents d’un air douloureux) Tu ne devrais pas, ma douce waifu orange-caramélisée au lait concentré sucré. Ce sont là des choses sinistres, et pesantes. Une conversation pour un autre jour. Peut-être même une émission spéciale.
Rangi : (avec un ton chaleureux) C’est vrai que ce serait dommage de gâcher notre escapade tahitienne…
—…et ta confiance en l’humanité.
Rangi : Hein ?!
—Non rien, rien. Dis donc, j’ai très faim, je me prendrais bien un truc à grignoter en marchant.
Rangi : D’accord, mais prévois une portion pour que je puisse savourer ! Et c’est moi qui donne les billets ! … ET, ET, ET, qui passe la commande ! La boulangère a l’air sympa, je veux lui causer.
—(dubitatif)…
Rangi : (défiante) Quoi, j’ai bien le droit de me faire UNE copine terrienne en vacances, non ?
—(se rend à l’évidence, mains ouvertes) Complètement, complètement. … Juste un détail avant.
Rangi : (agacée) Quoi, encore !? Faut que tu passes un coup de fil au Président de la Polynésie ?
—(ennuyé) Non, écoute, heu, c’est pas ça mais… Ne lui dis pas que tu t’appelles Rangiroa.
Rangi : Ha bon !? De mieux en mieux ! Et on peut savoir pourquoi ?!
—Parce qu’elle trouverait ça bizarre. Dans la mythologie polynésienne, Ranginui, Rangi, ou même Rangiroa c’est pas une déesse, mais… un dieu. (rire désolé) Le Dieu du Ciel, plus exactement, mais une entité masculine, quoi.
Rangi : (effarée) KEU-WA ?! Mais… (ton soudain plaintif qui grimpe dans les aigus) Mais je croyais que c’était une île somptueuse des Tuamotu !
—(coupant le micro de la radio, et parlant très vite) Ouiiiiii, bon, heu, oui. C’est bien pour ça que je t’ai donné ce nom : tu étais sublime dans ton sarcophage du Consortium, avec ta peau nacrée, tes yeux bleus grands ouverts et tes longs cheveux blonds, alors je t’ai donné le nom de la plus belle chose bleue et blanche et dorée que j’ai jamais vue. L’atoll de Rangiroa. Voilà, ça s’est imposé à moi comme ça, en un éclair, une histoire de choc visuel, de couleur, de longueur d’ondes, même, bref ça tombait sous le sens.
Rangi : (bouche ouverte, sourcils en orbite, assimilant les dernières phrases) …
—(très très embarrassé) Et puis si ça peut te consoler, « Dieu du Ciel », c’est très exactement ce que j’ai dit lorsque je t’ai vue pour la première fois…
Rangi : …
—Donc ton nom, en vérité, tu le mérites DEUX FOIS !
Rangi : (complètement attendrie, d’une toute petite voix) C’est la chose la plus belle -et aussi la plus idiote- que tu m’aies jamais racontée !
—Oui, bah, je regrette rien. J’aurais dû consulter la mythologie avant de te baptiser, mais d’un autre côté, « Rangiroa », c’est magnifique. Musicalement, éthymologiquement. En tant qu’île, en tant que dieu, et en tant que gynoïde la plus avancée de tout le monde moderne. (voyant que Rangi déborde de fierté à cause de la dernière phrase) Oui, bon, hein, ça va les chevilles ? Tu sais très bien ce que j’ai voulu dire ! Crâneuse !
Rangi : (secouant la tête, encore sous le choc, incrédule) Hé bah toi alors, tu sais parler aux femmes artificielles !
—Voilà. Maintenant, si tu permets, je vais rebrancher le micro et m’excuser de la coupure auprès de nos aimables auditeurs.
Rangi : (sur un nuage, comme anesthésiée) Et moi je… passe commande… (marmonnant pour elle même) … sans donner mon illustre prénom dont je suis désormais ENCORE PLUS FIÈRE !
—(intonation pro) Désolé messieurs, il y a eu… heu… une perturbation temporaire du sub-espace qui a causé du souci à nos algorithmes de suivi, mais le pire est passé ! Sans transition, je lance donc le morceau du jour : il s’intitule « Etch-A-Sketch » (« télécran » en français) et c’est -encore- un moment de sourire plein de virtuosité, et la bande sonore de la démo du même nom par le groupe nordique « Candela ». Teetow, son compositeur, est un musicien accompli, on lui doit par exemple l’excellente musique de « Fair Play To The Queen », ainsi que bien d’autres réussites, dont celle que vous écoutez depuis le début de l’émission (et qui est une collaboration).
Je vous laisse donc apprécier, pendant que nous poursuivons notre tour sur le remblais du Tahitech.
Rangi : (de sa voix la plus enjouée) « Oooooh yeah ! »
—C’est tellement plus cool quand c’est moi qui le dit…
Rangi : (insolente) Ce n’est clairement pas l’avis du courrier des auditeurs !
—(ricanant tranquillement) Dieu du ciel, ces babouins !