VSF #022

Allez, on repart dans la SF plus traditionnelle mais qui a marqué son temps, avec « The Crystal Spheres », de David Brin, un auteur américain que je ne vous présente pas car nous l’avons déjà croisé dans un numéro précédent de VSF (VSF #002 : « The Giving Plague »).

Synopsis : Dans un futur lointain, des humains sont envoyés dans un système stellaire unique en son genre. Leur but ? Découvrir la place de l’Humanité au sein d’un Univers complètement cloisonné.

Ce texte a remporté le prix Hugo de l’Histoire Courte en 1985. Il est disponible en lecture gratuite sur le site de l’auteur depuis… facilement une vingtaine d’années, mais cela ne veut pas dire qu’il soit lu pour autant ! Courant 2018, Lightspeed Magazine a eu la bonne idée de le publier à nouveau. Une heureuse initiative. Car ce récit se déguste comme un bon épisode de Star Trek, ou Stargate. Vous savez ce que je veux dire : ces épisodes où le danger est plus abstrait, presque cérébral, mais les implications et les spéculations vous tiennent pourtant en haleine jusqu’à la fin…
Dit de façon plus directe : c’est une variation sur le thème du Paradoxe de Fermi partant d’une idée bizarre, et racontée de façon convaincante par un type plutôt branché SF réaliste.
Le résultat ? Plaisant, évidemment.

The Crystal Spheres, de David Brin, une nouvelle ré-éditée en mai 2018 chez Lightspeed Magazine, que nous remercions au passage.

Post-scriptum : J’ajouterai qu’après avoir relu récemment « L’Espace de la Révélation » d’Alastair Reynolds, je vois une sorte de parenté thématique diffuse. Bien sûr, dans le cas de Reynolds, tout est traité de façon gothique, stressante, conflictuelle, alors que le ton de Brin, par contraste, respire l’optimisme, et un humanisme bienveillant. Une positivité à laquelle il fait parfois bon se rafraîchir, en ces temps incertains…

VSF #021

Contrairement au dernier VSF qui approchait le sujet de façon détournée, le récit du jour est un traitement direct, frontal même, du thème des technosignatures.

Là où Benford, dans Bow Shock, se plaçait dans un contexte galactique confortable (i.e. distances astronomiques), l’auteur du jour, Carrie Vaughn, n’hésite pas à ramener le problème directement dans notre système.

Synopsis : Une astronome découvre un artefact dans la Ceinture d’Astéroïdes… dans l’indifférence générale.

The Best We Can, de Carrie Vaughn, à écouter ou lire chez Escape Pod (avec la petite musique rock habituelle qui met bien dans l’ambiance) ou à lire chez Tor.

Ce texte pessimiste sonne tellement juste, si tristement réel, que je me devais de l’inclure dans le corpus de VSF, a fortiori après Bow Shock dont il est en quelque sorte l’antithèse : thème, longueur, profondeur, chute, etc. J’ai bien aimé l’écouter chez Escape Pod, et le relire chez Tor. C’est plutôt signe que la qualité est au rendez-vous. Et pourtant…
Pourtant il y a des détails qui me chiffonnent. Ce n’est pas vraiment de l’ordre de l’écriture, mais plus au niveau du scénario. Plusieurs angles d’attaque restent inexploités, et c’est dommage. Bon, il faut dire que j’ai des idées bien précises sur ces questions de heu… technosignatures, et que cela m’agace lorsque je vois le sujet traité de façon partielle (voire partiale).
Un autre souci de ce texte, c’est ce ton plaintif, totalement égocentrique, en déséquilibre avec une découverte qui devrait malgré tout être enthousiasmante. Mais là encore, c’est tellement le symptôme d’une époque qu’on ne peut que saluer la pertinence de ce choix narratif. L’Art imite la Vie. La Forme au service du Fond. Etc.

La nouvelle s’achève sur une note d’espoir un peu artificielle, probablement une référence au projet Breakthrough Starshot. Vous noterez cependant que les mots finaux ne sont pas « …the best we can do. », mais « For now. »
Comme si Carrie Vaughn elle-même avait perçu toute la violence, le désespoir de son texte. Et que dans un dernier geste de regret, elle avait voulu adoucir le constat.

VSF #020

Gregory Benford est un astrophysicien américain de l’université d’Irvine (Californie). Spécialiste des plasmas, il a bossé un temps comme codeur FORTRAN au Lawrence Livermore Laboratory (gasp !), et c’est là que durant les années 60, il aurait eu l’intuition d’un petit truc amusant qu’on appelle aujourd’hui virus informatique (re-gasp !), et qu’il en aurait programmé un (re-re-gasp !), puis deux, avant d’être le premier à en tirer une histoire de SF (quadruple-gasp ! …de l’oxygène, vite !)
Accessoirement, il offrirait parfois ses services en tant que consultant à la NASA, la DARPA, et… la CIA ?!

Comme il a visiblement décidé de ne rien laisser pour les autres, à 81 ans c’est aussi l’un des plus grands auteurs de SF dure de ces 50 dernières années. Nominé plusieurs fois aux Hugo et aux Nebula, il a remporté ce dernier pour un texte court (à 4 mains) durant les années 70. Il est également à l’origine du fameux « Cycle du Centre Galactique », qui raconte la découverte d’une race de machines extra-terrestres voulant détruire les civilisations biologiques. Un thème classique en SF, qui renvoie aux (récents) Inhibiteurs d’Alastair Reynolds, aux Cylons de Galactica, aux Machines de Dieu de McDevitt, aux berserkers de Saberhagen, aux reapers de la trilogie Mass Effect, ou même à l’épisode « The Doomsday Machine » de la série Star Trek des années 60. Il se trouve que j’ai lu, il y a fort longtemps, l’un des tomes de cette série (« À Travers La Mer Des Soleils ») et que des années plus tard, j’en garde un bon souvenir, au moins pour toute la partie exploratoire. Je me rappelle notamment de deux détails techniques marquants qui prouvaient (à mes yeux) que l’auteur savait un peu de quoi il parlait (…j’ignorais tout, alors, de son CV).
Plus récemment, Benford s’est allié avec un autre vieux-de-la-vieille, Larry Niven, pour nous pondre l’histoire d’un système solaire se déplaçant grâce à un propulseur Shkadov !

Vous l’aurez compris : Benford adore la physique, l’exploration galactique et les mégastructures, il y travaille en vrai (oui-oui, même en 2022), il fait les calculs lui-même, et n’hésite pas à inclure tout ça dans des récits de science-fiction. Et on ne va pas s’en plaindre !
Incidemment, les lecteurs attentifs de ce blog auront noté qu’ils ont déjà croisé un Benford dans les couloirs de la base… Plus précisément, « Jim » (le frère de Gregory, également scientifique) que Charles Stross a utilisé comme (prétendue) caution narrative dans « A Tall Tail » (VSF #007).

Le texte d’aujourd’hui s’intitule « Bow Shock ». Un terme astrophysique que l’on traduirait en français par « Arc de Choc » et qui désigne la couche de gaz comprimée devant une étoile ou un pulsar fonçant à travers une nébuleuse. Ce récit nous présente les mésaventures de Ralph, doctorant à l’université d’Irvine (!), qui doit affronter 36 problèmes pro, perso et autres, tout en soutenant sa thèse sur une étoile atypique surnommée « la Balle » (« the Bullet », du fait de sa haute vitesse).
J’ai apprécié cette histoire car elle sent le vécu : les doutes de l’étudiant, la vie personnelle qui interfère toujours au mauvais moment, les impératifs temporels, les résultats décevants, ou galvanisants. Et puis, on visite un site fameux dont je vous causais très récemment : le VLA ! Et la belle ville de Briançon ! (…heu attendez, là ?! La France dans une nouvelle de SF américaine ? Mais mon cher Asimov, débouchez ce champagne !) Tout sonne juste : les mesquineries, les rivalités pas assumées, les coups de pute et autres manœuvres carriéristes, les joies, les coups de stress, les succès, les revers, l’épée de Damoclès du fric, tout ça sur fond de mystère scientifique. Argh. Compliquée, la vie estudiantine !

Allez, ne soyons pas monolithique. Si je devais faire deux critiques constructives sur ce texte, elles seraient les suivantes :
1-la structure difficile de certaines phrases. Benford est tellement imprégné de cette culture universitaire qu’il débite naturellement du jargon, des expressions et des tournures de phrases compliquées. Cela brouille parfois la compréhension.
2-Le texte est un poil trop long. J’ai l’impression qu’il se lit mieux en deux sessions que d’une seule traite. Et en mode lecture bien confortable sous Firefox. (j’admets que cela reste très subjectif)

Au passage, on saluera l’effort de l’auteur qui a ajouté des illustrations pimentant le propos. Et puis il y a cette tension continuelle, cette attente fiévreuse face à une énigme dont, peut-être, nous n’aurons jamais le fin mot.
À moins que…

Bow Shock, une nouvelle de SF astrophysique par Gregory Benford, publiée en juin 2006 dans Baen’s Universe.

Remarque : à ma grande surprise, le sujet de cette nouvelle est récemment devenu plus concret que je ne l’imaginais. Il donnera probablement lieu à un commentaire de ma part, sous forme d’un numéro de « Concepts » à venir. En attendant, le prochain numéro de « VSF » reprendra très exactement cette thématique, mais dans un cadre élargi, offrant ainsi deux points de vue différents (par le biais de deux histoires de SF) sur un problème identique.