VSF #034

Alors alors alors… Aujourd’hui, Isaac Asimov.

*consulte le dossier*

Immigré russe arrivé à 3 ans aux USA avec ses parents…
Obtient une bourse pour l’université de Columbia parce qu’il est -très- doué.
Père-fondateur de la SF américaine moderne…
Très divertissant à écouter et à lire…
Écrivain incroyablement prolifique.
Auteur de nombreux cycles considérés comme « classiques » :
-Fondation
-Le Cycle des Robots
-Le cycle des Cavernes d’acier

Presque 500 livres au compteur, véritable mine d’or pour ses éditeurs…
Aborde la SF, mais aussi le policier, la vulgarisation scientifique, l’Histoire, et même la poésie grivoise…
Nous lègue à sa mort (en 92) une autobiographie à lire absolument pour les fans : « Moi, Asimov ».
New-yorkais de toute son âme.
Trouillard assumé, et casanier comme pas permis !
N’a jamais vraiment été « branché ordinateur », et a donc manqué l’un des tournants majeurs des années 80…
Inventeur du concept de « cerveau positronique », co-inventeur des « 3 lois de la robotique »…
R. Daneel, Susan Calvin et Hari Seldon, des personnages emblématiques.
Sur ses vieux jours, Asimov portait des rouflaquettes phénoménales qui lui donnaient un look encore plus sympa.
Crée une revue de science-fiction à son nom qui existe toujours…
Est affectueusement surnommé « le Bon Docteur » par ses lecteurs.

*relève les yeux du dossier*

—Quoi, comment ça je bâcle ce numéro de VSF ? Mais enfin, posez-vous la question : QUI, aujourd’hui, ignore le nom d’Asimov ? Cet écrivain est vénéré par le public car il nous a régalés d’histoires passionnantes pendant plus de 50 ans ! Toujours sur ce ton savant, presque intellectuel, et pourtant simple, totalement accessible au plus grand nombre.
Oh certes il n’était peut-être pas aussi brillant qu’un Egan (…quoique cela se discute !). Mais il était humain, profondément, aimait la science, passionnément, et rivalisait souvent d’astuce et d’anticipation avec Arthur C. Clarke. Ce qui n’est pas un truc à prendre à la légère, croyez-moi.
Je me souviens d’une intro au roman Nemesis, il me semble, où il dit abandonner bien volontiers toute forme de prétentions littéraires. Ce n’était certes pas un styliste. Mais il allait droit au but, et nombre de ces textes sont d’ailleurs sous forme de simples dialogues. Celui d’aujourd’hui en fait partie.

« La Dernière Question » est une nouvelle racontant la naissance d’un super-ordinateur, et son évolution à travers le temps, à une échelle… « géologique », allais-je écrire, mais ce terme reste encore un cran en-deçà, « cosmique » serait plus approprié ! Il y a de l’humour, des moments émouvants, surprenants, de la science, et c’est ainsi, en douceur, que le Bon Docteur nous accompagne à travers les milliards d’années, dans ce futur tel qu’imaginé dans les années 50 (comme dirait François Perusse)…

Note : le scénario se base en fait sur les deux premiers principes de la thermodynamique, à savoir :
—Premier Principe : l’énergie ne peut être ni créée ni détruite, juste transférée d’un système à l’autre. C’est la version énergétique du fameux « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » de notre célèbre compatriote chimiste Lavoisier…
—Second Principe : l’entropie (mesure du désordre général) d’un système fermé ne fait que croître. Loi que l’on appelle également Principe de Carnot, du nom d’un célèbre physicien français, encore, qui théorisa la chose au 19ème.

Pour en revenir au sujet, le récit du jour est un classique habilement mis en valeur par Patrick Baud : musique d’ambiance, phrasé fluide, passages contemplatifs, l’apport au texte est indéniable. Et dans la langue de Molière en plus, ce qui nous change ! Oui monsieur ! J’applaudis des deux mains.

Alors, installez-vous confortablement, versez-vous un bon verre, mettez les écouteurs et fermez les yeux. Ça va commencer…

La Dernière Question (1956), par Isaac Asimov, lue par Patrick Baud, chez soundcloud.

 

 

VSF #033

L’un des sales petits secrets de la SF contemporaine est que l’anticipation technologique délirante est en voie d’extinction. Je ne rentrerai pas ici dans les détails, car outre le fait que c’est un combat auquel je tiens, c’est un sujet beaucoup trop complexe (et violent, oui oui) pour être traité dans un court billet de Vendredi Science-Fiction !

Cela dit, quand on est un peu exigeant, et qu’on a grandi en lisant du Verne, du Asimov, du Clarke, du Egan, du Stephenson, et j’en passe, on est forcément un peu déçu par la pauvreté de l’offre contemporaine. De ce manque flagrant d’un imaginaire techno-scientifique puissant, débridé, qui formait autrefois le cœur vibrant du genre.

Et puis une fois de temps en temps, on trouve un thème sympa qui motive à lire. Un truc dingue qui montre que l’auteur a compris ce qui faisait la magie d’antan. Le concept de son récit tabasse rien qu’à l’énoncé, comme par exemple… une course de 4×4 nucléaires à la surface de Io !

« Tiens », se dit le lecteur avisé. « C’est vachement spécifique, tout de même ?! »

HA BON ?! 😀

D’abord, excusez les capitales, mais je suis toujours enthousiaste quand j’ai trouvé un bon texte à partager ! Ensuite… Figurez-vous que cet été, dans une relative indifférence (je n’ai pas vu énormément de mentions sur le Web, et ça me chagrine), Alastair Reynolds nous a sorti une nouvelle intitulée « Detonation Boulevard » !

L’histoire nous emmène donc sur Io, le satellite Galiléen le plus proche de Jupiter, un astre gros comme la Lune doté d’une gravité juste très légèrement supérieure. Et voilà que nous grimpons à bord de bolides nucléaires massifs pour une course de plusieurs jours sur un terrain dantesque semé de volcans en éruption, de coulées de lave et autres geysers de soufre.

COMMENT ÇA JE SURVENDS ?! Pas du tout, pas du tout ! C’est aussi bon que ça en a l’air, palpitant et plein de surprises. De la SF comme j’aimerais en lire plus souvent, clairement.

Alors ne perdons pas une seconde ! Le prochain concurrent n’est déjà plus qu’un éclat intermittent dans votre visière, vous traînez ! Cette section de terrain semble solide : déployez toute la puissance du réacteur et foncez, bon sang ! Vers Detonation Boulevard, et la victoire !

Detonation Boulevard, un texte d’Alastair Reynolds publié en juillet 2023 chez Tor.com, que l’on remercie chaleureusement. Au passage, vous noterez l’illustration vraiment sympa par Ben Zweifel !

VSF #032

Le texte du jour s’intitule Glory, il s’agit d’une nouvelle d’archéologie galactique de Greg Egan.

Peut-être connaissez-vous déjà cet auteur australien, mais pour ceux qui l’ignoreraient encore, Egan est un sérieux candidat au titre de « Meilleur Auteur De SF Dure De Tous Les Temps ». Non, je ne dis pas cela à la légère, d’autant que je suis un très grand fan de Clarke ou d’Asimov ! Mais là, on parle quand même d’une pointure qui a enchainé les classiques durant toutes les années 90 : « Distress » (VF « L’Énigme De L’Univers »), « Permutation City » (VF « La Cité Des Permutants »), « Diaspora », « Schild’s Ladder », et bien d’autres encore. Il a aussi écrit une profusion d’histoires courtes souvent géniales, parfois même à suivre (ex de diptyque excellent : « Luminous »(1995) -VF « Radieux »– et « Dark Integers »(2007) -VF « Les Entiers Sombres »).

Mais qu’a-t-il de particulier, ce Greg Egan ? Hé bien figurez-vous qu’il met la science au cœur de l’intrigue avec une redoutable efficacité. En plus de cela, il explore des concepts vraiment perchés issus de certains domaines scientifiques pointus, avec un attrait particulier pour les maths. Autrement dit, il écrit de la SF dure par pure passion, parce que la science est truffée d’idées folles, qu’elle est une source inépuisable de curiosités.

Et Glory, dans ce domaine, ne déçoit pas. L’histoire commence d’une façon surprenante, par de la physique nucléaire appliquée et une minutieuse opération de photolithographie à l’échelle… d’une étoile ! Vous êtes déjà largués ? Mais on n’en est encore qu’à l’intro, mon bon monsieur ! Et déjà Egan nous propulse plus loin et plus vite que quiconque avant lui ! Vous la sentez, l’accélération relativiste qui vous brûle les cheveux et vous tire sur l’estomac ? 😀

Que raconte Glory, donc, quand ça ne cause pas nanostructures et antiprotons ? Hé bien tout se déroule dans un lointain futur. Les humains ont intégré une vaste culture galactique pacifique, tolérante et non-violente, plutôt tournée vers le bon vivre et la connaissance : l’Amalgame. Tout le monde, humains ou extraterrestres, est désormais un genre de logiciel, mais les individus peuvent continuer à vivre dans des corps biologiques, par habitude ou par goût. Sur une planète arriérée (i.e. encore non contactée), l’Amalgame découvre les vestiges d’une civilisation ayant mené des recherches mathématiques sur une très longue période. Plusieurs MILLIONS d’années ! Malheureusement, ces sites archéologiques recelant de précieuses trouvailles formelles sont peu à peu détruits par l’essor d’une race plus récente. L’Amalgame envoie donc deux agents sur place, afin de sauver ce qui peut l’être. Mais rien ne va se passer comme prévu car si les mathématiciens disparus ont des secrets, les nouveaux arrivés possèdent leur propre dynamique. Et la supériorité technique -écrasante- de l’Amalgame est un point en sa faveur, mais pas une garantie de réussite…

Bonne lecture !

Glory, une nouvelle de Greg Egan parue dans The New Space Opera chez HarperCollins en 2007…

Addendum : pour les fans purs et durs, Glory fait partie d’un cycle de trois nouvelles, Riding the Crocodile (2005, dispo gratuitement en ligne), Glory (2007), et Hot Rock (2009), qui se passent dans l’univers de l’Amalgame. Il y a même un roman : Incandescence (2008), qui reprend ce décors. Les lecteurs attentifs remarqueront que l’Amalgame pourrait facilement constituer un futur plausible des « polis » décrites dans « Diaspora », et que « Diaspora » lui-même, sans trop d’efforts d’imagination, peut être vu comme un avenir probable de « La Cité Des Permutants ». Il y a là une intéressante progression d’échelle et de thématique dans la carrière de l’auteur, mais c’est une analyse pour un autre jour (…ainsi qu’un épisode CSF sur « Diaspora », depuis le temps que je veux le faire ! 🙂 )