La rubrique « Causons Science-Fiction » (abrégé en CSF pour les titres) sera pour nous l’occasion de parler directement du sujet de ce blog : la science-fiction sous toutes ses formes. Ciné, BD, livres, jeux, il s’agira essentiellement de critiques, d’opinions, d’anecdotes, d’humour, et parfois, parfois… de simples citations.
Comme aujourd’hui par exemple, pour ce premier billet !
Vu le contexte social chargé des dernières semaines, j’ai assez régulièrement des moments de « déjà-vu » qui me renvoient à moultes œuvres, et l’une d’entre elles, en particulier, revient de plus en plus souvent. Du fait de sa justesse …voire de sa prescience. Il s’agit de l’adaptation ciné du roman graphique d’Alan More : V pour Vendetta.
Dans cette dystopie, la Terre a connu une guerre atomique, et l’Angleterre est (quasiment) le seul pays à avoir survécu. Suite à une catastrophe sanitaire extrêmement inquiétante (une épidémie beaucoup plus grave que le Covid-19), un parti règne désormais d’une main de fer sur la population et fixe des barrières arbitraires à toutes les activités. Le peuple, déjà bien éprouvé par les catastrophes, accepte ce climat social délétère comme un prix à payer pour sa survie. C’est alors que, surgissant de nulle part, un mystérieux individu (nommé « V ») commence à défier le pouvoir. Après un premier attentat symbolique (destruction d’un monument : zéro victime), l’homme trouve le moyen de détourner un circuit de télévision et s’adresse en ces termes à un public médusé :
« BONSOIR LONDRES !
Permettez moi tout d’abord de vous présenter mes excuses pour cette interruption. […] j’ai pensé que nous pourrions célébrer ce 5 novembre, jour hélas oublié, en consacrant un court instant de notre vie quotidienne à nous asseoir, et à bavarder un peu.
…
Il existe bien sûr des personnes qui ne veulent pas que nous parlions. Et je soupçonne qu’en ce moment même, des ordres sont aboyés dans des téléphones et que des hommes armés vont bientôt se mettre en route. Pourquoi ? Parce que même si l’on peut substituer la matraque à la conversation, les mots conserveront toujours leur pouvoir. Les mots sont le support de la compréhension et pour ceux qui les écouteront, l’énonciation de la vérité. Et la vérité, c’est que quelque chose va très mal dans ce pays, n’est-ce pas ? Cruauté et injustice. Intolérance et oppression. Et là où auparavant vous aviez la liberté de faire des objections, de parler comme bon vous semblait, vous avez maintenant des censeurs et des systèmes de surveillance vous contraignant à la conformité, et sollicitant votre soumission.
Comment est-ce arrivé ? Qui est à blâmer ? Bien sûr il y a ceux qui sont plus responsables que les autres, et qui devront en rendre compte. Mais… Encore dans un souci de vérité, si vous cherchez le coupable, regardez simplement dans un miroir. Je sais pourquoi vous l’avez fait. Je sais que vous aviez peur. Qui pourrait se vanter du contraire ? Guerres, terreur, maladie, une myriade de problèmes a contribué à perturber votre jugement et à vous priver de votre bon sens… La peur a pris ce qu’il y avait de meilleur en vous, et dans votre panique, vous vous êtes tournés vers Adam Sutler, aujourd’hui Chancelier. Il vous a promis de l’ordre. Il vous a promis la paix. Tout ce qu’il a demandé en échange, c’est votre consentement silencieux et docile. La nuit dernière, j’ai cherché à mettre fin à ce silence.
LA NUIT DERNIÈRE, J’AI DÉTRUIT LE « OLD BAILEY » POUR RENDRE LA MÉMOIRE À CE PAYS !
Il y a plus de 400 ans, un grand citoyen a voulu ancrer à jamais le 5 novembre dans nos mémoires. Il espérait rappeler au monde qu’impartialité, justice et liberté sont plus que des mots, ce sont des Principes.[…] »
Je vous conseille vivement de regarder ce « Discours du 5 Novembre » sur Youtube (ou tout autre service de vidéo en ligne). Pour des raisons de copyright, j’ai été obligé de tronquer la citation, ce qui est bien dommage vu la qualité d’écriture. Oh, un autre truc à noter à propos de « V pour Vendetta » : la version française est extraordinaire. Largement au niveau de la VO. En plus de son phrasé sophistiqué qui ferait presque (presque) de l’ombre à notre Luchini national, on aura ainsi le plaisir plus « acoustique » d’entendre la belle voix française d’Hugo Weaving, c-a-d l’acteur et doubleur Féodor Atkine.
D’une façon plus générale, V pour Vendetta est un film d’anticipation sociale à voir et à revoir (…surtout qu’il passe régulièrement sur la TNT). C’est un enchaînement de scènes mythiques, un chef-d’œuvre pour lequel on ne remerciera jamais assez l’auteur original, Alan More, son dessinateur David Lloyd, et le travail d’adaptation des soeurs Wachowski (au scénario). Ai-je mentionné l’excellent travail de Dario Marianelli sur la bande sonore ? En lisant ce post, vous avez écouté une réinterprétation de SequenceKomplete, que l’on salue bien bas.
Je terminerai ce billet par une autre citation du film, plus courte, mais toute aussi puissante :
Creedy : (tirant à bout portant) « MEURS ! MEURS ?! POURQUOI TU NE MEURS PAS ?! (barillet vide, terrifié) Pourquoi tu meurs pas ?! »
V : « Sous ce masque, il y a plus que de la chair. Sous ce masque, il y a une idée, Mr Creedy. Et les idées sont à l’épreuve des balles ! »
À bon entendeur…
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