Le professeur soupira, et rien qu’au son, je devinai qu’il avait décidé de jouer franc-jeu. Il me regarda droit dans les yeux : « Savez-vous ce qu’il y a au coeur d’un atome, Inspecteur ? »

—Oui. »

Une honnête surprise se manifesta sur son visage émacié. Il tendit la main vers moi, m’invitant à poursuivre. Face à mon silence, il insista : « Allez-y, je vous en prie, ce n’est pas une question-piège !

—Des protons, des neutrons, tout cela tenant dans un volume ridicule comparé au nuage électronique qui les englobe. Je crois que ces particules nucléaires sont confinées par la Force Faible… Ou Forte, je ne sais plus.

—Vous êtes décidément un flic plein de surprises. Mais la forme ? Quelle est la forme ?

—Sphérique, j’imagine. » J’avais vu des illustrations dans un vieux Science-Et-Vie dix ans plus tôt, ce qui me permit d’ajouter : « Une bulle de matière en effervescence, de forme vaguement sphérique. C’est un peu foutraque, ça pulse dans tous les sens, ça rebondit… Comme une sorte… de balle élastique.

—De la viande. » Asséna le chercheur sur un ton irréfutable. « Au fond de la matière, au creux de chaque proton, il y a… une boule de viande. Frémissante, saignante, suintante. Un amas de tissus biologique à vif. Comme écorché. Un petit condensat visqueux écarlate, un quantum de souffrance à l’état pur. »

Il émit un rire malsain, plein d’accents mégalomaniaques, puis se mit à lécher les gouttes de sang sur ses mains avec un air féroce. J’en avais des hauts-le-coeur.

« Clément ne m’a pas cru, c’est pour cela qu’il a fallu lui montrer. De visu. » Hurlant soudain : « LUI DÉMONTRER PAR A PLUS B ! »

Alice, qui se tenait en retrait, mouchoir sur la bouche pour supporter l’infecte odeur, recula d’un pas. J’entendis le tissus crisser tant elle le serrait. Sa tension nerveuse irradiait toute la pièce, en ondes de terreur.

« Professeur, vous êtes en état d’arrestation ! », dis-je avec, je n’en étais pas peu fier, une voix totalement égale.

Le malade mental écarquilla les yeux comme si je venais de proférer une énormité. Son ton se durcit : « Vous ne comprenez pas », dit-il en se décalant lentement vers la porte du laboratoire. « Mes recherches ne font que commencer ! Bande d’ignares, ne vous dressez pas sur le chemin de la Science ! Ou vous finirez… comme lui ! »

D’un rapide mouvement de tête, il désigna les restes de son collègue. Un abject monticule de débris humains au milieu d’une véritable mare de sang. L’horreur, encore une fois, me broya les entrailles. Je n’avais jamais rencontré de tueur en série de ce calibre. Ce mec était barjo. Com-plè-te-ment barré. Je levai mon arme avec une détermination nouvelle. En réponse, la main du fou se crispa sur le manche du couteau de boucher.

« Je vais vous donner un cours de physique quantique, mon cher, que vous n’oublierez pas. Je m’en viens vous couper les bra pour que vous ne puissiez jamais clore cette en-ket ! Vous et cette foutue garce que vous traînez comme un boulet ! Pour commencer je vais… »

BAM ! BAM !

Le fou s’écroula contre le mur, deux impacts au torse. Hébété, il se tourna vers Alice, qui tenait son pistolet des deux mains, respirant à grandes goulées malgré l’air vicié. Le canon fumait. L’odeur de brûlé se disputait à celle de la charogne. J’avais un mal de crâne soudain et l’audition à zéro.

Nous nous précipitâmes vers le professeur. Malgré les sifflements auditifs, je parvins à l’entendre.

« L’Univers… »

Le fou agonisait, ses poumons se remplissant rapidement de sang. Il lui restait quelques secondes à vivre. Il fit un ou deux gestes menaçants avec son couteau, puis la main retomba. Mais la folie tournait encore à plein régime dans sa cervelle pourrie. Comme dictant son testament, il ajouta : « L’Univers… n’est que souffrance. Chaque… particule… Chaque fluctua… tion. » Il sourit. « CQFD. … Elle… » Il leva un doigt tremblant vers Alice, et entre deux spasmes, une expression démoniaque prit possession de ses traits : « Elle… l’a… »

Il se figea.

Une bien vilaine mort, pensai-je. Alors seulement, je repris conscience de mon corps, couvert d’une sueur froide. La tension dans ma mâchoire. L’épuisement physique et mental. Mais le danger était passé. Ne restait plus qu’un cadavre supplémentaire. Une montagne de paperasse. Et une coéquipière-stagiaire à la gâchette facile…

« Il s’apprêtait à lancer son couteau, j’avais pas le choix. » expliqua froidement Alice en rengainant son flingue. Un long, très long silence passa. Puis elle ajouta, comme une épitaphe : « Et il m’avait traité de garce, ce fumier ! »

Elle ricana juste une fois. Ça sonnait faux. Puis laissa tomber : « Happy Halloween ! »

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Salut à tous, Shady revient aujourd’hui avec un cours de mécanique quantique camouflé en fable macabre, comme on le fait parfois. Le shader du jour, « Raw Meat », par denosya, est un autre chapitre de notre rubrique « Tellement dégueu, mais tellement cool ! », et convient particulièrement bien à cet épisode d’Halloween 2023 ! 😀 Modifiez le code, ou appréciez simplement comment il est possible de transformer une banale texture 2D en un truc immonde en 3D. C’est aussi cela, la magie d’Halloween… 😎

Félicitations à denosya, et rendez-vous au prochain épisode !