VSF #008

Le Vendredi Science-Fiction est livré en retard mais il est bien là. 🙂 Pour ce numéro #008, on va revenir aux origines du genre… et descendre tout au fond des océans.

La SF (dans sa forme moderne) est née au XIX-ième siècle, sous l’impulsion de précurseurs comme Jules Verne ou H.G. Wells. Pour l’amateur du genre, il est agréable de se replonger dans les vieux classiques. On y retrouve une préoccupation du fait technique et une fascination des chiffres qui peut sembler désuète, mais que je trouve, personnellement, assez enthousiasmante. Nous sommes là face à une culture populaire occidentale encore relativement épargnée par le nihilisme, et dont la curiosité et l’intelligence sont en parfait état de marche.
Ce qui n’empêche pas une lucidité parfois douloureuse, puisque les deux auteurs précédemment cités ont, chacun, abordé le poids de la science, de la technique et de leurs conséquences funestes : par exemple Verne en jetant sans pitié le Nautilus contre les navires ennemis, et Wells en nous faisant affronter le pire, « l’autre total », les esprits « froids et sans empathie » des extra-terrestres de La Guerre des Mondes

Mais rien de si terrible dans la nouvelle de ce soir. La SF, c’est également depuis toujours une histoire d’exploration, et c’est exactement le sujet de Dans L’Abîme, de H.G. Wells. Ce qui m’a frappé dans ce récit, c’est toute la première moitié, quand les marins préparent puis guettent le retour de la sphère. Le texte date des années 1890, mais en 2021, il évoque immédiatement les années 50, quand Piccard plongeait à bord du Trieste jusqu’au fond de la Fosse des Mariannes. Preuve que la nature humaine, entre ses deux époques, n’avait pas changé tant que ça. Je ne sais si on peut en dire autant entre 1950 et 2021, la science aurait probablement des choses à nous enseigner là-dessus. Enfin bref, ce n’est pas le sujet. (« Sire ! Le Roi n’est pas un sujet ! »)
Autre point amusant : les inexactitudes. Entre autres, l’échauffement de la sphère pendant la chute (…qui semble très exagéré), ou la vue de l’horizon sous-marin (…qui est impossible car dans les meilleurs conditions de transparence, l’eau ne permet de voir qu’à une distance d’environ 70 mètres). Mais on pardonne bien volontiers à l’auteur cette « licence poétique ». Après tout, les grands Martiens aux yeux d’or fondu de Bradbury n’ont aucune chance d’exister sur la véritable Planète Rouge, et pourtant Les Chroniques Martiennes resteront dans l’Histoire.
Le réel et la littérature ne s’excluent jamais mutuellement : tout au plus se disputent-ils joyeusement du coude.

Cette version sonore de Dans l’abîme provient du site litteratureaudio.com, que je vous recommande chaudement. Leur catalogue est certes daté (…copyright oblige !), mais fort intéressant. C’est l’occasion de (re)découvrir de grands classiques… et parfois de belles voix.
Bon, c’est pas tout ça : fermez les écoutilles, hissez le périscope, ouvrez les ballasts et remuez-vous un peu, marins d’eau douce ! Allez zou : en immersion !

Dans l’abîme, de Herbert George Wells, lu par Daniel Luttringer (que l’on remercie au passage), sur litteratureaudio.com.

VSF #007

Le vendredi sur ce blog, vous le savez, c’est le jour de la nouvelle de SF gratuite ! Et aujourd’hui, tel le matou rapportant fièrement une souris à son humain, le grand rouquin blanc revient vers vous avec, entre les mâchoires, un texte de SF rempli de produits chimiques…

Je lis Charles Stross depuis une bonne vingtaine d’années. Alors étudiant faisant le tour d’Internet (on était un peu après l’an 2000), j’avais découvert des auteurs anglo-saxons proposant de nombreux textes gratuits et pointus qui me semblaient en phase avec ma conception plus « dure » de la SF. Parmi eux, le fameux Stross : ancien pharmacien, ancien informaticien, un type qui m’avait vraiment bluffé le temps d’une courte nouvelle (« Lobsters »). Il faut dire que je sortais juste de Engines Of Creation, le fameux bouquin d’Eric Drexler sur la nanotechnologie… tout en écoutant en boucle l’album du même nom de Joe Satriani.
Il y a des moments comme ça, dans la vie, où les planètes s’alignent…
Bref, au cours des ans, j’ai pris l’habitude de suivre cet auteur, lisant son blog (…en gardant un certain recul), et savourant les textes qu’il offrait en libre-accès assez régulièrement (merci au passage pour cette constante générosité).

Alors Stross, qu’est-ce que ça vaut ?

  • Hé bien sur la forme courte, disons-le clairement, c’est un maître du genre. Et nous aurons l’occasion d’y revenir souvent dans VSF, n’en doutez pas ! Le bougre a semé suffisamment de pépites ici et là pour alimenter la rubrique pendant des semaines…
  • Sur les romans, je ne peux pas me prononcer aussi favorablement, du fait -principalement- d’un manque de données. En effet, je n’ai lu de lui qu’Accelerando (un véritable MONUMENT de la SF sur la Singularité), sans jamais le finir… J’ai également acheté et lu son roman Crépuscule D’Acier (« Singularity Sky » en V.O.), mais il ne m’a pas laissé un souvenir impérissable.

Stross est connu pour son humour et sa passion des vieux romans d’espionnage, d’où son cycle publié en France sous le nom « Bureau des Atrocités ». Mais c’est aussi l’auteur de nombreux romans prospectifs à court terme, dans lesquels il explore les lignes directrices de notre Temps (économie, sousveillance, surveillance, cyber-démocratie, bitcoin).

L’histoire du jour, intitulée « A Tall Tail » (un jeu de mot facile sur l’expression anglaise « a tall tale »), dévoile au commun des mortels la vie fastueuse des auteurs de Science-Fiction. Cela pourrait bien vous étonner, mais nous sommes régulièrement invités par tous les « think-tanks » et autres « groupes de réflexion stratégique » de la planète afin de leur donner un avant-goût de ce Futur qu’ils essaient d’anticiper (…et dont, en bons Gardiens du Temple, nous gardons jalousement les secrets). Concrètement, cela se traduit par de constants voyages aux quatre coins de la Terre, dans des endroits paradisiaques remplis de yachts et de Palais des Congrès. Et c’est ainsi, cher lecteur, de fil en aiguille, et de valise diplomatique perdue en pot-de-vin égaré, que l’on se retrouve dérivant dans la piscine d’un luxueux hôtel d’Orlando/Floride, assis dans une bouée fluo avec un cocktail à la main, en train d’écouter un savant américain qui vous raconte l’un des secrets les plus infâmes de la Guerre Froide.
Tout ça alors qu’à la base, on devait juste causer carburant pour fusées…
Comment ça, vous ne comprenez rien ? Alors lisez ! 😀 Moi, je retourne flotter en sirotant une boisson fraîche. Et au fait, ce type, là, accoudé au comptoir, vous trouvez pas qu’il a l’air un peu communiste ?!

A Tall Tail, par Charles Stross, à lire chez Tor.com.

P.S. Le lecteur féru de physique aura noté dans ce récit la mention d’une technique de production d’énergie exploitant les isomères de certains éléments chimiques lourds. Je dois dire que je suis plutôt content de lire ce genre de détails techniques sous la plume de Stross, car en tant qu’auteur de SF (… branché « prospective ») j’ai depuis quelques années déjà ces sources d’énergie alternatives dans le collimateur. Vous voulez un exemple ? Très simple : si vous lisez la série MSM sur ce blog, vous vous êtes peut-être demandés quelle est la source d’énergie du Witch, le vaisseau du Commandant et de Rangiroa ? Hé bien les fameux isomères sont… une partie de la réponse. Et oui cher lecteur, n’allez pas croire que ce blog soit à la traîne. 😀

VSF #006

C’est vendredi, les amis, et maintenant vous connaissez le topo !
Le contexte est difficile pour beaucoup d’entre vous, alors aujourd’hui je vous ai choisi un truc un peu plus léger : court, simple, direct, mais qui reste dans le ton de « The Giving Plague », vous savez, le texte de VSF #002. Il s’agit de « On A Blade Of Grass », de Tim Pratt, un auteur dont je ne sais à peu près rien… Hé, ne m’engueulez pas, on ne peut pas être partout non plus ! Apparemment, il a gagné un Hugo en 2007 et a été nominé à de nombreuses reprises pour d’autres prix prestigieux.
Ce récit audio repose sur une idée simple et intéressante (…je dirais même carrément « raccord » avec la ligne éditoriale du blog), mais une bonne partie de son intérêt tient à l’ambiance qui s’en dégage : les changements de voix du narrateur, les réparties, les apartés, le rythme du discours.
Le sujet est sérieux, pourtant on se prend à sourire comme dans un vieil épisode de La Quatrième Dimension.
Ce travail de narration et de mise en scène est à mettre au crédit de l’équipe d’Escape Pod, un podcast en anglais dont je vous propose ce soir l’épisode 276 daté du 20 janvier 2011.
Régalez-vous !
On a Blade Of Grass, de Tim Pratt, dans Escape Pod 276 sous licence CC BY-NC-ND 3.0.

Post Scriptum : Voilà qui devrait vous occuper un peu (et même vous faire réfléchir) pendant les longs préparatifs de lancement du SN11 à Boca Chica, ce soir… Suivez le tir en direct sur Youtube, ça pourrait bien être spectaculaire !