VSF #010

La SF dure est un genre cérébral, du coup, l’adapter au cinéma ou en animation est plutôt casse-gueule… C’est tellement compliqué, en fait, qu’on confie rarement ce genre de projet à des stagiaires, mais plutôt à ceux qu’on estime (à tort ou à raison) comme des metteurs en scène « chevronnés ».
Et puis une fois de temps en temps, histoire de bien dégonfler la tête à tout le monde, trois étudiants français se pointent aux Gobelins, discutent, font des croquis, et à la fin, ils vous pondent un truc comme « Eclipse ».
Et là, vous vous prenez une baffe magistrale.
Un grand flash annihilateur de BFG9000.
Un vieux Second Impact dans la gueule.
Soudain vous comprenez pourquoi le reste du monde parle avec des tremolos dans la voix de nos talents locaux.

Eclipse from GOBELINS pro on Vimeo.

J’ai vu ce court-métrage il y a une dizaine d’années, mais je ne l’ai jamais oublié. Pour une raison fort simple. Il arrive à exprimer rapidement, sans un mot, l’un des principes fondamentaux de la SF : le Mystère. Ou plus explicitement : la Transcendance Rationnelle (cf toute la fin de « 2001 »).
Entre le graphisme évoquant Moebius ou les projets de la NASA, et le « sound design » qui rend clairement hommage à celui d’Alien (le son saturé dans les scènes en extérieur) et à la synthwave (nappes synthé solennelles), c’est un petit chef-d’oeuvre. Un épisode de « La Quatrième Dimension » complet en 3 minutes.
En prime : un court making-of !
Théo Guignard, Noé Lecombre, Hugo Moreno, vous et toute l’équipe « Sound Design », vous avez fait un boulot du tonnerre. Je vous salue bien bas.

VSF #009

…un petit peu de SF militaire ? Allez ! 😀

Hier soir, cherchant un texte d’un auteur bien connu, le hasard a voulu que je tombe sur tout autre chose : un récit qui m’a semblé particulièrement capable d’entrer en résonance avec le lecteur contemporain. Chapitre nombreux mais très courts, contexte technologique mais suffisamment flou pour ne pas trop « dater » le propos, histoire à enjeux, fort potentiel empathique, et nombreuses références ciné (notamment la saga Terminator).

Ce texte, c’est Field Test, de Keith Laumer, paru en 1976.

Alors je ne connaissais pas l’auteur avant hier soir, par contre j’avais effectivement entendu parler de son « Cycle Des Bolos », qui raconte l’évolution de gigantesques tanks intelligents à travers le temps et l’espace. L’histoire du jour est tirée du premier tome de cette saga, et nous conte les aventures de « Denny », le Bolo Mark XX (« Bolo Modèle 20 », en français). Durant un échange militaire particulièrement tendu avec nos amis sanguinaires de la République Populaire (…damned, encore eux !), les militaires hésitent à déployer leur nouvelle technologie, et… on les comprend.
Bon, ouvrez votre bouquin « ASSEMBLEUR MILITAIRE POUR LES NULS » au chapitre « Massacre », lancez votre compilateur psychotronique, et codez-nous cette routine de « Motivation Supérieure », sans quoi nous sommes foutus. Les communistes sont à nos portes, et les civils vont se faire trucider, alors du nerf ! C’est pas le moment d’avoir les doigts qui tremblent, soldat !

Field Test, de Keith Laumer, aimablement offert par les éditions Baen.

Ah, et pour diminuer l’effet « mur de texte », et disposer d’une présentation plus moderne, n’oubliez pas de basculer en « mode lecture » sous Firefox, ça change la vie, vraiment. Pour ce faire, il suffit de cliquer sur le rectangle (icône « page avec du texte ») tout à droite dans votre barre URL. De rien. Et à la prochaine. Rompez !

VSF #008

Le Vendredi Science-Fiction est livré en retard mais il est bien là. 🙂 Pour ce numéro #008, on va revenir aux origines du genre… et descendre tout au fond des océans.

La SF (dans sa forme moderne) est née au XIX-ième siècle, sous l’impulsion de précurseurs comme Jules Verne ou H.G. Wells. Pour l’amateur du genre, il est agréable de se replonger dans les vieux classiques. On y retrouve une préoccupation du fait technique et une fascination des chiffres qui peut sembler désuète, mais que je trouve, personnellement, assez enthousiasmante. Nous sommes là face à une culture populaire occidentale encore relativement épargnée par le nihilisme, et dont la curiosité et l’intelligence sont en parfait état de marche.
Ce qui n’empêche pas une lucidité parfois douloureuse, puisque les deux auteurs précédemment cités ont, chacun, abordé le poids de la science, de la technique et de leurs conséquences funestes : par exemple Verne en jetant sans pitié le Nautilus contre les navires ennemis, et Wells en nous faisant affronter le pire, « l’autre total », les esprits « froids et sans empathie » des extra-terrestres de La Guerre des Mondes

Mais rien de si terrible dans la nouvelle de ce soir. La SF, c’est également depuis toujours une histoire d’exploration, et c’est exactement le sujet de Dans L’Abîme, de H.G. Wells. Ce qui m’a frappé dans ce récit, c’est toute la première moitié, quand les marins préparent puis guettent le retour de la sphère. Le texte date des années 1890, mais en 2021, il évoque immédiatement les années 50, quand Piccard plongeait à bord du Trieste jusqu’au fond de la Fosse des Mariannes. Preuve que la nature humaine, entre ses deux époques, n’avait pas changé tant que ça. Je ne sais si on peut en dire autant entre 1950 et 2021, la science aurait probablement des choses à nous enseigner là-dessus. Enfin bref, ce n’est pas le sujet. (« Sire ! Le Roi n’est pas un sujet ! »)
Autre point amusant : les inexactitudes. Entre autres, l’échauffement de la sphère pendant la chute (…qui semble très exagéré), ou la vue de l’horizon sous-marin (…qui est impossible car dans les meilleurs conditions de transparence, l’eau ne permet de voir qu’à une distance d’environ 70 mètres). Mais on pardonne bien volontiers à l’auteur cette « licence poétique ». Après tout, les grands Martiens aux yeux d’or fondu de Bradbury n’ont aucune chance d’exister sur la véritable Planète Rouge, et pourtant Les Chroniques Martiennes resteront dans l’Histoire.
Le réel et la littérature ne s’excluent jamais mutuellement : tout au plus se disputent-ils joyeusement du coude.

Cette version sonore de Dans l’abîme provient du site litteratureaudio.com, que je vous recommande chaudement. Leur catalogue est certes daté (…copyright oblige !), mais fort intéressant. C’est l’occasion de (re)découvrir de grands classiques… et parfois de belles voix.
Bon, c’est pas tout ça : fermez les écoutilles, hissez le périscope, ouvrez les ballasts et remuez-vous un peu, marins d’eau douce ! Allez zou : en immersion !

Dans l’abîme, de Herbert George Wells, lu par Daniel Luttringer (que l’on remercie au passage), sur litteratureaudio.com.