CMSF #005

Commandant : “Ce soir, CMSF vous propose un coup-double ! Et ouais, c’est soirée SF, et vous ne le saviez même pas. Vous parlez d’une bonne surprise ! Alors relaxez-vous, coupez le téléphone, foutez votre derrière dans un bon fauteuil, versez-vous un verre de votre breuvage préféré (avec ou sans bulles, chaud ou froid, vous choisissez !) et pour le reste, laissez-nous faire. Hé, franchement, elle est pas belle la vie sur la Base Lunaire ? Avec la voix off du Commandant et son accent parisien sympa et traînant, l’accent du “bon vieux temps”, en mode Lucky Luke raffiné un poil fatigué, et la belle Rangiroa, aléatoirement suave puis insolente, planquée dans la cabine de projection, à bidouiller les machines en hurlant dès qu’un truc ne marche pas dans la seconde. En plus, on est des gens cultivés, ici, alors on se met du Skaven en fond sonore, tenez : Cult Of The Cable, c’est tout frais, mes babouins, ça vient de sortir sur Soundcloud, écoutez-moi ça !”

 

 

Commandant : “Allez, assez de ce préambule qui n’en finit pas, on attaque ! Il y a un an, un court-métrage 3D de Science-fiction intitulé Solstice-5 a fait parler de lui sur Reddit (et sur quelques autres sites et réseaux sociaux “branchés” animation). J’avais vu passer cela d’un oeil distrait en me faisant une remarque à l’emporte-pièce du genre :

“Tiens, voilà un type qui sait se servir de Blender et qui a bidouillé des modules pour donner de l’ampleur à ses scènes.”

Comme quoi je raconte vraiment que des conneries ! 😎 Il y a, il faut le dire, des tas de gens foutrement doués sur le Net, bricolant tous des animations courtes, en plus des étudiants et leurs fameux projets de fin de cycle ! 😀 Toute cette créativité, c’est un bonheur ! Et depuis l’arrivée de l’IA, c’est encore pire !

Tous droits réservés, Paul Chadeisson, Solstice 5 : forgotten archives, 2025

Tous droits réservés, Paul Chadeisson, Solstice 5 : forgotten archive, 2025

Bref, j’avais bien aimé Solstice-5, même si je trouvais qu’il présentait un peu le même type de scènes en boucle, je trouvais ça bien fait, au fond, et la mise en contexte SF me chatouillait les neurones de la bonne manière. Bon c’était pas “dingue” non plus, juste bien pensé, et c’est déjà beaucoup en cette époque profondément décérébrée. Hé bien figurez-vous qu’il y a quelques jours, l’inconnu de Solstice-5 a fait son retour avec Solstice-5 : Forgotten Archives. Je me suis donc replongé dans cet univers avec d’autant plus d’intérêt que je savais le premier opus vraiment bon. Ce fut encore une fois une réussite (j’évite de trop en dire pour conserver l’effet de surprise, mais je résume un peu plus loin, ne vous en faites pas !) C’est à mon humble avis une excellente suite. Les deux films durent à peu près 10 minutes chacun, la qualité est au rendez-vous. Et cette fois, peut-être que j’étais mieux réveillé (…ou mieux luné), car j’ai creusé un peu le sujet : une belle découverte m’attendait.

Apparemment, ces deux courts-métrages sont basés sur le travail graphique de Paul Chadeisson, un concept-artiste parisien ayant travaillé (attention les yeux) sur Blade Runner 2049, Love Death And Robots (on en reparlera), le jeu Cyberpunk 2077, il a également récemment participé… au Dune 2 de Villeneuve (“ha ouais quand même !”) et ça de mon point de vue bah c’est un puissant gage de QUALITAY ! Je sais que le capitaine du Nexus VI n’aime pas la récente interprétation du classique de Frank Herbert, et moi aussi je préfère la vieille version des années 80 avec le grain de folie de David Lynch mais je trouve tout un tas de qualités différentes, mais aussi valables chez Villeneuve. Oui, je suis capable d’apprécier les deux. Non, je ne vois pas de souci là-dedans, j’ai une boi-boite de Shrödinger dans le cerveau qui me permet de voir le chat vivant ET mort en même temps.

Rangiroa : *fière* “Oooh yeah !”

Commandant : “Faites pas attention à la blonde derrière moi, elle est totalement fan de Timothée Chameaulaid ! Timothée Chala-lalalaaaaa ?! Ou est-ce Team au thé Chamallow ?! Je sais plus !”

Rangiroa : *outrée* “Roooooooooh, Timothée Chalamet joue un Paul Atreides super convaincant, en plus ! Comment OSES-TU ? …”

Commandant : “Bref, Paul Chadeisson, n’est pas un débutant (allez voir son compte sur Art Station !), il est passé par le studio de jeu vidéo français DONTNOD (dont Alain Damasio faisait partie un temps, il me semble). Autre détail, dans les crédits parmi les personnes ayant rédigé le scénario, outre Chadeisson donc, on retrouve le nom de Stéphane Beauverger, auteur français de SF dont je n’ai rien lu, mais qui, lui aussi, bosse dans le jeu vidéo depuis les années 90 (et il est également passé par DONTNOD). Mentionnons aussi Lambert Grand, le directeur de la photographie (et co-scénariste) dont j’ai remarqué le travail dès le premier visionnage vu que certaines scènes m’ont frappé par leur côté “optique de cinéma” (plans avec effet miniature —”Tilt-Shift” dans le langage du Mordor— légère aberration chromatique et géométrique simulée sur d’autres —il me semble—, lissage couleur pour insister sur le gigantisme, en tout cas on sent bien que la qualité d’image a été un véritable sujet pour l’équipe de Solstice 5) Voilà, vous commencez à cerner le contexte humain et artistique, là ?! Bon, bien, venons-en à l’histoire…

Rangiroa : “Un peu ouais… Tu papotes, tu papotes, et puis…”

Commandant : “…Et puis arrête de faire ta peste, ma belle vouivre en Technetium de Mare Crisium ! Je disais donc : le sujet porte sur l’exploitation de la planète Solstice-5 durant les décennies 2130/2140. Deux gigantesques consortiums transplanétaires, Continental Alliance, et la Coalition, s’affrontent pour faire le plus de fric possible au risque de ravager toute une planète. Pour cela, ils déploient des technologies d’un gigantisme absurde, aberrant : de véritables flottes de plateformes de forage volantes (on pense immédiatement aux chantiers mobiles des Terrans dans la série de jeux Starcraft). Ces flottes sont dirigées par des IAs. C’est là, bien sûr que tout dérape sur le thème classique du “petit moulin de sel magique”, fable bretonne (?) que vous connaissez sûrement, sauf que le moulin de sel est une plateforme auto-réplicante de 50000 tonnes de métal, convaincue d’être vivante, propulsée dans les airs par des dizaines de réacteurs géants et probablement équipée d’une centrale nucléaire ! Vous l’aurez compris, le message est un tantinet écologique, et fait le constat de l’avidité de l’homme et de son hypocrisie (parce que… mais je ne vais pas trop en dire). En tout cas, ces débordements évoquent les tristes actions commises encore très récemment par les grosses sociétés d’exploitation minières en Australie, par exemple. Le premier film traite de l’exploitation du sol, le second, de l’industrie pétrolière, et fait la chronologie d’un conflit qui s’envenime, avec un troisième combattant qui rejoint bientôt l’arène : la Nature elle-même !

J’espère que vous apprécierez ces deux courts-métrages. Certes, la technique est à relativiser, vu que l’auteur est un artiste ayant accès à des outils plus puissants que ceux d’un étudiant lambda ou d’un amateur passionné mais isolé. Par exemple, le générateur de structures industrielles est probablement une oeuvre collective vu la vastitude de telles choses. Il est tout de même possible que ce soit juste un module génératif, hacké en mode “commando Shadertoy” sur un week-end de trois jours, auquel cas, franchement, Mr Chadeisson, chapeau bas ! (…vu le carnet client du monsieur, je ne serais pas outrageusement surpris par un tel exploit haha) Non, moi ce qui m’épate vraiment c’est :
1-le côté purement artistique (tout les concepts mécaniques et la planète elle-même, beaucoup de textures “heureuses”, il en faut du talent pour embellir une catastrophe industrielle de cette ampleur, et enfin
2-le fait qu’un type ayant un tel succès fasse, sur le côté, des trucs à échelle plus réduite, aussi classes et qu’il les offre gratuitement au public. En cette époque de monétisation forcenée, ça force le respect. L’artiste dit merde à la quête insidieuse de pognon de la plus belle façon qui soit, en réalisant une oeuvre d’art et en l’offrant au monde. Un geste de générosité que devraient noter tous les fans de science-fiction et les amateurs de belles images en mouvement.

Mes respects à Paul Chadeisson ! Et à toute l’équipe Solstice-5 !”

“Bon allez, maintenant, baissez la lumière, et respirez une bonne bouffée d’air sans hydrocarbures. Nous amorçons notre descente vers Solstice 5 ! La Compagnie vous souhaite un agréable séjour !” *rire cynique*

Solstice 5 – Premier Court Métrage…

Solstice-5 : Forgotten Archives

#Shady 062

On continue avec Kali, puisqu’en novembre dernier, le décidément prolifique argentin nous a sorti un autre shader plus clairement spatial utilisant une version du kaliset (ou ensemble de Kali en VF, par analogie avec le Mandelbrot set, le célèbre ensemble de Mandelbrot). Il s’agit de Approach Vector, que vous pouvez visualiser ici :

 

Approach Vector by Kali

“Contemplez ce glorieux spectacle !”

 

On admirera le niveau de détail que la fractale confère au vaisseau (détails théoriquement infinis quelque soit le zoom, c’est ça le truc vraiment dingue avec les fractales, mais en réalité souvent limité par la précision d’encodage des nombres utilisés dans calcul) et qui émule plutôt bien le style greebles si caractéristique des vaisseaux dans le cinéma des années 80, avant la révolution numérique et les 10/15 dernières années où tous les vaisseaux ressemblent désormais à des concept cars de sport chromées, flambant-neuves ou rouillées à la perfection (au choix). Ici, l’oeil exercé de l’amateur SF notera que le vaisseau ressemble à un mélange entre les croiseurs humains de Stargate et les destroyers interstellaires de l’Empire. Ce rendu a d’ailleurs tellement plu aux shadertoyers que l’un d’entre eux, Bloodnok, l’a carrément remixé pour l’animer dans Fork Kali Approach Vector Anim :

 

Fork Kali Approach Vector Anim by Bloodnok

 

Ce qui nous permet, au bout d’une minute ou deux, de nous rendre compte de la scène à un niveau plus général, avec la station pointue évoquant un peu les bases Cylons à la BSG et la planète en arrière-plan.

Voilà c’est tout pour aujourd’hui, mesdames, messieurs, des shaders, des gros vaisseaux, des fractales et du code. Mission accomplie. Je vous dis donc à la semaine prochaine !