BM #010

Un nouvel épisode du Baudelaire Martien ? Allez, quoi, ça faisait longtemps ! 😀

Aujourd’hui, on va se limiter aux nouvelles de Starbase (plus les trucs aux alentours), et… ça sera déjà pas mal.

—On débute avec un post de Grimes ! Chanteuse, musicienne, et actuelle compagne d’Elon Musk, elle a enflammé Twitter en publiant 3 photos avec la charmante Jennie Kim (du groupe Blackpink). Les deux artistes posent donc au pied d’un booster de Falcon 9 (en contre-plongée, avec une focale dramatique). Et franchement, c’est la dose de féminité, de facétie et de glamour qui nous manquait durant un été authentiquement sinistre ! Rien que pour ça, merci les filles. Jennie donne l’impression de bien s’amuser, et Grimes s’est arrangée un petit air studieux rose fluo plutôt inspiré. Et le contraste fonctionne, aussi bien dans les poses qu’au niveau vestimentaire. Que dire d’autre ?! … Hé bien ceci par exemple : vivement la future collab !
GRIMES AND BLACKPINK ON THE MOON NOW !

—Elon, de son côté, ne chôme pas… Les travaux avancent sur la base de lancement. Le gigantesque BN3 a été placé sur le premier pas de tir (qu’on appelle « suborbital » et qui a servi aux essais des proto-starships). Le second pas de tir (« orbital ») avec la nouvelle tour de récupération est désormais quasiment terminé, d’ailleurs le BN4 vient lui aussi d’être installé sur son aire. Les photos du booster avec ses 29 moteurs Raptor sont hallucinantes. Et le starship SN20, couvert de tuiles thermiques (fabrication maison), a attendu sagement à côté, avant qu’on ne le monte tout en haut du donjon ! Après un bref arrimage (voix sentencieuse : « Aaaaaarrimage ! »), le SN20 a été redescendu et a refait le trajet inverse jusqu’au box à Starbase. Le BN4 l’a suivi quelques jours plus tard. Et depuis, SN20 est déjà revenu au pied de la tour (?!), où il poireaute gentiment au moment où j’écris ces lignes… Quel rythme ! J’imagine qu’en voyant ces délais comprimés à mort, la direction du CNES est désormais en PLS… En attendant, ces travaux nous donnent l’occasion de jauger l’échelle ahurissante du projet. Je l’ai déjà dit, alors maintenant je l’écris : SpaceX, ce sont les fous furieux de la NERV dans la série Evangelion. Je ne serais d’ailleurs qu’à moitié surpris de croiser Misato sur le pas de tir, le front soucieux, scrutant les travaux entre deux conversations avec Ritsuko.

—On l’oublie car il se fait discret, mais John Carmack (programmeur de Doom et bien d’autres jeux) a aussi une carrière de « rocket scientist » derrière lui : certains se souviendront que durant les années 2000, il participa au Google Lunar X Prize, mettant au point des prototypes de véhicules à moteurs fusées chez Armadillo Aerospace. Il nous décrivait d’ailleurs ses efforts lors de la Quakecon, une conférence vidéo-ludique annuelle, et c’était toujours un plaisir de l’écouter parler des heures avec son accent de cowboy texan. Récemment pris à parti par un troll sur Twitter, Carmack en a profité pour dire à quel point il admirait SpaceX. Elon Musk a aussitôt rejoint la discussion pour signaler qu’il avait proposé à John de rejoindre SpaceX à de nombreuses reprises, mais que celui-ci avait toujours refusé. Elon a même ajouté « (soupir) » dans sa réponse. Les deux hommes, bien loin de rivaliser, semblent donc plutôt se respecter.

—Nouveau coup fumant de Tim Dodd, le jovial « Everyday Astronaut » ! Il nous a sorti trois vidéos phénoménales où, en compagnie d’un Elon Musk fatigué (…problèmes de dos), il visite Starbase à hauteur d’homme. Vous trouverez cette longue interview (50 min + 50 min + 20 min) sur la chaîne youtube « Everyday Astronaut ». C’est assez génial de passer d’un hall d’assemblage à l’autre en écoutant les commentaires d’Elon qui explique « pourquoi ce choix technique », « l’importance des procédés de fabrication », « la taille des grid fins du booster », les performances des moteurs Raptor de seconde génération, etc, etc. Un trésor d’informations qui régalera les curieux. Mention spéciale pour les employés et techniciens qui l’accueillent tous avec des sourires radieux : on sent que le patron est aimé, et que ce n’est pas du chiqué. Plutôt impressionnant. Et apparemment, le spectacle n’est pas fini car Musk, enchanté de cette expérience, a proposé de remettre le couvert dans deux mois. En effet, il se pourrait que d’ici là, l’on ait assisté au premier vol orbital de la pile complète (Booster + Starship). Peut-être même à une récupération avec la tour… ?! J’ai hâte !

—Je pourrais aussi parler des vols de Richard Branson et de Jeff « Luthor » Bezos, mais franchement, tout le monde s’en fout (…à part Astronogeek, apparemment). Richard Branson est bien sympa, mais il a réussi à ne pas mentionner Burt Rutan et Scaled Composites (sans qui Virgin Galactic n’existerait même pas). Et ça, déjà, c’est limite. Jeff Bezos, quant à lui, a carrément remercié les employés d’Amazon qui, « par leur travail », ont payé son voyage à 80 km d’altitude. Nan je sais pas, Jeff, la prochaine fois, éclate d’un rire sinistre : ce sera plus clair niveau sarcasme. Enfin (et pour enfoncer le clou), je signale que la fusée New Shepard ressemble quand même vachement à la machine volante des Olmèques dans Les Mystérieuses Cités d’Or. En gros, quand elle a ses quatre pattes déployées pour atterrir, il ne lui manque qu’une couche de peinture grise et un masque grimaçant sur le côté pour voler dans les plumes du Grand Condor. De là à dire que Jeff est le Grand Maître Ménator… Ahem… Enfin voilà, je pose ça là. 😉

C’était le Baudelaire Martien, avec un zest de kpop, deux larmes de sense of wonder, et quelques glacetéroïdes de pure fureur. À servir au shaker, sur Mars ou la Terre, en terrasse d’un bar sans Passe Sanitaire. Vous pouvez maintenant reprendre une activité normale…

BM #010 – Déconnexion…

Concepts #003

Le concept du jour est : « bougie à oxygène »

Dans le film d’horreur LIFE, une équipe de chercheurs récupère un échantillon de vie martienne à bord d’une sonde en perdition. Bien sûr, ils décident de réanimer quelques cellules dans un compartiment sécurisé de l’ISS, et cet organisme se révèle être un monstre de la pire espèce. Fort comme un gorille, rapide, glissant et intelligent comme un poulpe.
S’en suit une longue traque Alienesque dans les coursives de la station, qui aboutit rapidement à la destruction de plusieurs appareils dont… le système de survie (air + température).
Et c’est là -spoiler !- que l’un des protagonistes sauve la situation en utilisant un truc étrange, ce qu’il appelle une « bougie à oxygène ». Dans le film, le design de cet outil est étonnamment cool : un genre de bâton futuriste (style sabre laser éteint) qu’on active à la main et qui, dès lors, dispense lumière, chaleur, et surtout un flux constant de gaz respirable…

Face à une telle trouvaille, je me suis posé la sempiternelle question : « Couillonnade hollywoodienne ou réalité ? » Mais porté par l’histoire, j’ai oublié de faire pause. Et ce n’est que plusieurs mois plus tard, alors que je m’intéressais aux techniques de production d’oxygène à bord de l’ISS, que je me suis dit : « Tiens au fait, tant que tu y es, pense à creuser la question des fameuses bougies à oxygène… » J’ai donc filé sur Wikipédia où tout est, évidemment, expliqué noir sur blanc. Je ne vais donc pas me substituer à cette excellente source. Lisez l’article tranquillement, c’est aussi bref que passionnant :

Générateur chimique d’oxygène…

Voilà. Les bougies à oxygène existent donc bien, elles sont présentes partout en tant que sources de secours (avions, sous-marins, capsules spatiales) sauf qu’elles n’émettent aucune lumière, qu’il s’agit de simples canettes de quelques kilos, et que leur version spatiale émet un « jour-homme » d’O2. (ça c’est du packaging intelligent)

Mais continuons un peu le raisonnement, voulez-vous ?

Vous aurez noté l’équation chimique donnée dans l’article précédent :

2NaClO3 -> 2NaCl + 3O2

…qui signifie qu’au cœur de ces fameuses bougies, par décomposition thermique (i.e. chauffage), pour deux molécules de perchlorate (NaClO3) on obtient deux molécules de sel de table (NaCl), et trois molécules de dioxygène (O2, le gaz respirable).

Pourquoi je détaille cela ? Mais… ?! Pour faire la connexion avec la rubrique du « Baudelaire Martien », bien sûr ! 😀

Car vous l’ignoriez peut-être, mais l’un des contre-arguments sérieux s’opposant à la présence humaine sur Mars, c’est la présence dans le terrain de quantités mesurables de perchlorates (0.5 à 1%). Ce composé est en effet toxique en faibles proportions. Du coup, chaque sortie extra-véhiculaire demandera des procédures avancées de décontamination pour éviter de ramener cette saloperie dans l’habitat.
Mais… Toute médaille a son revers.
Les perchlorates sont également une source intéressante d’oxygène, vous le savez désormais… De fait, après une courte recherche en ligne, des essais sont en cours pour créer des générateurs d’oxygène exploitant une saumure saturée en perchlorates. Et les résultats semblent prometteurs ! Cette stratégie serait d’ailleurs nettement plus productive que le procédé MOXIE testé récemment à bord du rover Perseverance (…technique qui consiste à décomposer le CO2 atmosphérique grâce à l’électricité -comme l’oxygènateur de Mark Watney dans « Seul Sur Mars »).

Et voici donc comment on passe des techniques d’alimentation de secours en oxygène à la conquête martienne : grâce aux perchlorates. J’aurais encore beauuuuuuucoup de choses à ajouter, des faits, des données chiffrées, des spéculations, des idées, tout ça, mais je vais m’arrêter là pour aujourd’hui. On est dans « Concepts », pas dans un épisode du « Baudelaire Martien ».

C’est tout pour aujourd’hui, soldat. Rompez ! 🙂